Le docteur Henry Perschak, spécialiste en médecine interne, effectue des bilans de santé depuis 15 ans. Sur demande, il intègre également des analyses génétiques au programme de prévention personnalisé qu’il propose. À son avis, si chacun d’entre nous connaissait au moins quelques-uns de ses principaux gènes, il y aurait moins d’infarctus et de cancers héréditaires.
Dr Perschak, comment en êtes-vous arrivé à intégrer des analyses génétiques dans les bilans préventifs ?
Jusqu’en 2015, j’étais médecin chef de médecine interne générale et, jusqu’à ma retraite en 2020, j’ai dirigé l’International Medical Center ainsi que le centre de Check-up de la clinique Hirslanden de Zurich. À présent, j’y ai seulement mon cabinet personnel. Avant l’ouverture du service Hirslanden Precise, j’appartenais déjà au Genomic Board. Avec des médecins de diverses spécialités, nous y discutons de cas qui ont une origine génétique. Dès le début, notre idée était de pratiquer une médecine qui « tienne debout » et nous avons donc pour ce faire défini des panels de gènes spécifiques. Il s’agissait avant tout de poser les bases d’une médecine préventive moderne et efficace.
Est-ce que chacun et chacune peut aujourd’hui bénéficier d’une analyse génétique lors de son bilan de santé ?
Non, pas encore. La caisse maladie ne couvre actuellement les frais que dans des cas bien spécifiques et pour des gènes individuels ou de très petites familles de gènes. En général, les personnes venant pour un bilan sont soucieuses de leur santé et d’un niveau de formation élevé, et elles acceptent d’assumer elles-mêmes les frais de l’analyse. Il s’agit en fait des mêmes personnes qui prêtent une attention particulière à leur alimentation et font du jogging. Ils se sont bien informés et souhaitent effectuer un test génétique. Si, lors de l’analyse de l’arbre généalogique, on identifie de nombreux cas de cancers ou d’arrêts cardiaques, ces personnes veulent souvent obtenir leur profil génétique. Même si la caisse ne prend pas en charge les coûts lorsque l’analyse généalogique ne le justifie pas, les résultats peuvent être très intéressants. En effet, il s’agit aussi d’être en mesure de répondre à des questions qui ne sont pas forcément importantes du point de vue clinique, par exemple comment on réagit à certains aliments ou à un effort physique.
Recommandez-vous une analyse génétique à tous vos patients ?
Non. Mais je suis personnellement d’avis que chacun d’entre nous devrait connaître ses gènes déterminants. J’ai effectué pour moi-même un séquençage de ce qu’on appelle l’exome entier, c’est-à-dire la région de l’ADN responsable du codage des protéines. Cette séquence représente seulement environ 2 % de l’ADN total. Le laboratoire peut alors déterminer les variants intéressants. Parmi ces variants ou mutations, certains gènes spécifiques peuvent être à l’origine de graves problèmes. Les principales familles englobent à peu près 170 gènes qui peuvent causer des maladies cardio-vasculaires, et une centaine responsables de l’apparition de cancers. On peut réduire cette liste à quelque 70 gènes. Si chaque individu connaissait au moins ces gènes-là, nous pourrions envisager un avenir nettement plus sain.
Qu’est-ce que l’examen des gènes vous a apporté ?
Personnellement, l’information la plus importante était que j’ai hérité de ce qu’on appelle une intolérance hétérozygote au fructose. Comme moi, déjà mon père souffrait parfois de coliques nocturnes. Maintenant, je comprends pourquoi. J’ai donc adapté mon alimentation : je mange moins de fruits riches en fructose comme les raisins ou les pommes, et je ne bois plus de jus de fruits. Et si j’ai des baies en dessert, j’y ajoute toujours de la crème double parce que la graisse réduit les troubles. Par ailleurs, je ne consomme plus que très rarement des asperges ou des artichauts. Cette modification de mes habitudes alimentaires n’a probablement rien changé à mon espérance de vie, mais amélioré ma qualité de vie. Je me sens nettement mieux et en meilleure santé.
Avez-vous pu identifier un variant influençant votre espérance de vie ?
Oui ! Un gène responsable du cancer de la peau. Avant, je n’utilisais pas vraiment de crème solaire, préférant rester à l’ombre. Maintenant, j’en applique systématiquement. Et ma famille fait aussi plus attention. Bien entendu, je continue à aller régulièrement au dépistage du cancer de la peau.
N’est-ce pas aussi un souci de savoir que l’on est porteur d’un oncogène ?
C’est évidemment le revers de la médaille. Surtout dans les pays germanophones, il y a de fortes réserves en ce qui concerne ces techniques. Mais je n’ai encore jamais eu dans mon cabinet quelqu’un qui aurait fait une dépression après avoir reçu les résultats d’une analyse génétique. Au contraire, les gens sont beaucoup plus motivés pour changer leur mode de vie et en sont reconnaissants.
Dans quels domaines de la prévention la médecine génétique est-elle déjà bien établie ?
Essentiellement dans trois domaines. Premièrement, les gènes du cancer, commençant par les mutations malignes BRCA1 et BRCA2. C’est Angelina Jolie qui a attiré l’attention sur le BRCA1 lorsqu’elle a pour cette raison volontairement subi une ablation des seins. Si une femme est porteuse d’un tel variant lourdement pathologique, son risque de développer au cours de sa vie un cancer du sein, des ovaires ou autre est de 70 %. Chez les hommes aussi, BRCA2 peut déclencher un cancer du sein, même si c’est bien moins fréquent. Mais ils peuvent transmettre ce gène à leurs filles. Par ailleurs, il est également à l’origine du cancer de la prostate. Si nous testions l’ensemble de la population suisse au regard de seulement ces deux gènes, nous pourrions éviter de nombreux cancers. En Pennsylvanie, on a commencé à le faire dans ce qui s’appelle le réseau de santé Geisinger. Selon certaines sources, il y a là-bas le taux de mortalité du cancer du sein le plus bas de tous les États-Unis.
Quels sont les deux autres principaux domaines ?
Le gène du cœur et celui responsable de maladies monogénétiques telles que la mucoviscidose. Cette maladie n’apparaît que si chacun des deux parents transmet à l’enfant un gène défectueux.
Il existe entre temps sur Internet des tests génétiques à partir de 500 francs.
Oui, mais les résultats sont souvent très douteux. J’ai ainsi eu dans mon cabinet un homme qui, selon un tel test, était porteur des deux variants BRCA1 et 2. Il était très inquiet, mais ne savait pas trop comment comprendre ce résultat. Nous avons donc examiné en détail les caractéristiques de chaque variant. Et je lui ai expliqué que les variants qu’il portait n’étaient pas associés à un risque particulièrement élevé de cancer. Le grand public ne peut en général pas vraiment interpréter ces analyses provenant d’Internet.
Quelle est votre plus grande réussite associée à une analyse génétique ?
J’ai eu deux cas entièrement différents. Le premier concerne une patiente de 60 ans qui était venue me consulter pour un mélanome malin et dont la mère avait eu un cancer des ovaires. Cette femme était issue d’une famille de médecins et, comme elle voulait savoir s’il existait un lien entre les deux événements, elle a décidé d’effectuer un test génétique. On a effectivement pu constater qu’elle était porteuse d’une mutation PMS2, un variant héréditaire du syndrome de Lynch, qui est associé à un fort risque de diverses formes de cancer. À cause de ce risque, elle a choisi de se faire enlever les ovaires et les trompes utérines, un peu comme Angelina Jolie a opté pour l’ablation des seins. Maintenant, cette femme est surveillée de près dans le cadre d’un programme de prévention individuel.
Et le deuxième cas ?
C’est tout à fait l’opposé. Il s’agit d’un homme dont l’arbre généalogique comportait de nombreux cas de cancer. À la fois dans la branche maternelle et dans la branche paternelle. Pourtant, aucun type de cancer individuel ne remplissait les critères qui auraient permis une prise en charge du test génétique par la caisse maladie. Il l’a donc fait faire à son propre compte. Et il a de la chance : il ne porte aucun oncogène. Les résultats étaient d’ailleurs parmi les plus anodins de toutes les analyses génétiques que j’ai effectuées. C’est vraiment quelque chose de très réjouissant. Ainsi, même avec ses antécédents familiaux, cet homme n’a pas besoin de venir plus souvent aux examens préventifs. Bien évidemment, il doit faire les bilans réguliers normaux. En effet, la plupart des cancers ne sont pas d’origine génétique, mais se développent par hasard.
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