Le cancer du poumon constitue depuis longtemps le cancer mortel le plus fréquent chez l’homme, et il est en forte augmentation chez la femme. De nombreux patients réagissent trop tard et ne consultent un médecin qu’une fois que leur cancer ne peut plus être traité. Le Prof. Dr Othmar Schöb nous parle du caractère insidieux de la maladie et explique comment minimiser les facteurs de risque.

Prof. Dr Schöb, pourquoi le cancer du poumon est-il si souvent mortel?

Prof. Dr Othmar Schöb: En principe, le cancer du poumon pourrait être traité comme d’autres types de cancer. Le problème avec le cancer du poumon, c’est que beaucoup de personnes concernées rejettent l’éventualité d’une maladie, notamment parce que le cancer ne provoque guère de symptômes lorsqu’il est à un stade précoce et traitable. Il arrive donc souvent que les cas de cancer du poumon que je vois en soient déjà à un stade avancé. Malheureusement, il est alors généralement trop tard: seul un quart de nos patients diagnostiqués peuvent encore être traités. C’est la raison pour laquelle le taux de mortalité à cinq ans du cancer du poumon est si élevé: seuls 14 % des patients (état: 2014) sont encore en vie cinq ans après le diagnostic (état 2019: 18 %).

Qui sont les personnes particulièrement à risque d’être atteintes d’un cancer du poumon?

Prof. Dr. med. Othmar Schöb: On ne va pas tergiverser: les fumeurs constituent notre groupe à risque. Les personnes de 55 à 75 ans qui ont fumé pendant 30 ans au moins un paquet de cigarettes par jour sont plus souvent atteintes d’un carcinome pulmonaire. Or il s’agit précisément du groupe cible qui ne se fait pas examiner, ou alors trop tard.

Le cancer du poumon touche-t-il plus souvent les hommes ou les femmes?

Prof. Dr. med. Othmar Schöb: Auparavant, le tabagisme était plutôt une habitude masculine, les cas étaient donc plus nombreux chez les hommes pendant longtemps. Mais depuis que le tabagisme est également «acceptable» chez les femmes, elles sont plus souvent atteintes du cancer du poumon. Depuis, le cancer bronchique est en train de détrôner le cancer du sein comme cancer mortel le plus fréquent chez la femme.

Selon vous, comment pourrait-on mieux encourager le groupe à risque à se faire dépister?

Prof. Dr. med. Othmar Schöb: De mon point de vue, les proches, amis et anciens fumeurs jouent un rôle décisif à cet égard. Ils ne veulent en aucun cas perdre un proche de manière prématurée et ils peuvent avoir plus d’impact que toutes les photos effrayantes figurant sur les paquets de cigarettes.

N’y a-t-il pas de symptômes précoces caractéristiques?

Prof. Dr. med. Othmar Schöb: Le cancer du poumon est insidieux – il n’existe souvent aucun signe identifiable de la maladie, sauf si elle est déjà bien avancée. Les symptômes qui apparaissent en premier sont notamment la toux, la fièvre ou les difficultés à respirer, mais ils ne se remarquent pas particulièrement parce que les gros fumeurs les présentent de toute façon plus souvent. De nombreux patients ne viennent consulter que lorsqu’ils ont des symptômes graves comme le fait de tousser du sang ou une perte de poids importante et soudaine. De nombreux fumeurs se sentent étonnamment bien pendant longtemps avec un cancer du poumon non détecté, et ne voient donc pas de raison pour un contrôle.

Selon vous, comment est-il possible de prévenir un cancer du poumon?

Prof. Dr. med. Othmar Schöb: Le tabagisme est un facteur de risque très important. Les non-fumeurs sont beaucoup plus rarement atteints de cancer du poumon, le risque est statistiquement 35 fois moins élevé. Il est donc très important que les jeunes en particulier ne commencent pas à fumer. De mon point de vue, le prix des cigarettes constitue la meilleure manière pour y parvenir. Ce n’est qu’une fois que les cigarettes auront atteint un prix vraiment prohibitif que le nombre de fumeurs diminuera.

Le tabagisme passif est aussi dangereux et doit être évité le plus possible, en particulier chez les enfants et adolescents. Je pense que les messages et photos choc sur les paquets n’ont pas vraiment d’effet – en fin de compte, tout le monde sait à quel point le tabagisme est nocif, et pourtant beaucoup de personnes fument quand même.

Comment détecter un cancer du poumon de manière précoce?

Prof. Dr. med. Othmar Schöb: Le meilleur moyen est de pratiquer une tomodensitométrie (lien en allemand) des poumons. Ce dépistage des poumons est simple, rapide et coûte env. CHF 400.– au maximum. Par exemple, l’examen de dépistage peut être effectué pour CHF 175.– auprès de la «Stiftung für Lungendiagnostik» de Zurich-Altstetten et de Berne (plus d’informations – en allemand). Malheureusement, les frais du dépistage systématique ne sont pas encore pris en charge par la caisse d’assurance maladie. Un dépistage précoce peut sauver une vie: j’estime qu’un dépistage très conséquent permettrait d’améliorer le taux de survie à cinq ans à plus de 50 %. Le pronostic du cancer du poumon serait alors du même ordre que celui du cancer du côlon, du sein ou de la prostate, où des programmes de dépistage sont pris en charge, voire recommandés depuis longtemps par la caisse d’assurance maladie.

Que faudrait-il pour l’avenir?

Prof. Dr. med. Othmar Schöb: Il faudrait deux choses: tout d’abord, un dépistage des groupes à risque définis, encouragé par des explications et des publicités récurrentes. Je serais par exemple favorable à ce qu’on imprime le numéro d’appel de dépistage directement sur les paquets de cigarettes. Les proches qui encouragent les personnes concernées à se faire dépister jouent aussi un rôle important – peut-être serait-il possible d’offrir un bon à cet effet? Deuxièmement, nous autres scientifiques devons faire comprendre aux caisses d’assurance maladie que l’examen de dépistage doit impérativement être financé, tout comme la mammographie et les autres examens de dépistage.

(Source: interview avec le Prof. Dr Othmar Schöb dans le magazine des membres «Rotary» (Rotary Suisse/Liechtenstein, février 2014)