C’est avec passion et engagement que le Dr Alain Meyer exerce sa profession de spécialiste en chirurgie générale. Lui qui a longtemps formé de jeunes médecins fait part de ses inquiétudes pour l’avenir de sa spécialité.

Spécialiste reconnu  en chirurgie générale, le Dr Alain Meyer a mené une grande partie de sa carrière à l’hôpital de Morges, comme médecin-chef du service de chirurgie. Il exerce aujourd’hui en cabinet privé et opère plusieurs jours par semaine à la Clinique Cecil. Passionné et engagé, il a participé à plusieurs missions de guerre ou de catastrophe en Afrique et en Asie, avant de collaborer au développement du service de chirurgie de l’hôpital de Can-Tho, au Viêt Nam.

Que recouvre en pratique la spécialisation «chirurgie générale»?

Dr Alain Meyer: Elle désigne plus particulièrement la chirurgie thoracique (poumons) et abdominale (système digestif et paroi), ainsi que celle du système endocrinien (glande thyroïde par exemple) et la plupart des interventions de chirurgie vasculaire périphérique. J’ai également été formé à la médecine aujourd’hui appelée «hautement spécialisée», ce qui n’est plus le cas des nouvelles générations: certains jeunes chirurgiens n’ont jamais opéré un œsophage ni un pancréas. La chirurgie générale inclut aussi, depuis une vingtaine d’années, la chirurgie bariatrique, qui vise à soigner certains cas choisis d’obésité morbide.

Quelles sont les interventions que vous pratiquez le plus fréquemment?

Dr Alain Meyer: Les ablations de vésicule biliaire, les cures de hernie, les varices, les éventrations ou encore les interventions sur le colon. Les opérations de l’estomac étaient autrefois très fréquentes, mais on en fait beaucoup moins depuis quelques années. Certaines affections ne représentent plus systématiquement des indications opératoires.

Pourquoi certaines affections ne représentent-elles plus systématiquement des indications opératoires?

Dr Alain Meyer: Prenons l’exemple des diverticulites sigmoïdiennes: ces inflammations du colon entraînaient autrefois une chirurgie dès la première ou la deuxième crise. On dispose désormais de traitements efficaces qui évitent l’opération, comme la ponction des abcès sous contrôle radiographique. Certains médicaments comme les inhibiteurs de la pompe à protons permettent aujourd’hui de stopper l’évolution morbide des ulcères de l’estomac. On ne voit donc presque plus d’ulcères perforés.

Une bonne chose pour les patients, qui redoutent souvent de «passer sur le billard»?

Dr Alain Meyer: Pas forcément, non. L’évolution des protocoles ne doit pas faire perdre de vue le bon sens! J’opère encore régulièrement des patients atteints d’une hernie hiatale. Leurs symptômes sont en effet très efficacement soulagés par des médicaments… à condition de les prendre tous les jours et à vie. Certains en ont assez et préfèrent que le problème soit réglé une fois pour toutes. On commence aussi ici et là – en particulier en France – à tenter de guérir des appendicites en administrant de fortes doses d’antibiotiques, dont l’efficacité sur la résorption de l’infection est contrôlée par un ou plusieurs scanners. Est-ce bien raisonnable, en particulier chez les enfants?

L’avenir de la chirurgie générale vous inquiète-t-il?

Dr Alain Meyer: J’ai bénéficié d’une formation chirurgicale étendue, qui a alimenté quotidiennement ma passion pour ce métier. La politique actuelle de la santé ne permet plus aux jeunes chirurgiens de suivre cette voie et l’option «chirurgie générale» va disparaître au profit de formations plus sélectives, plus techniques, mais en perdant le contact privilégié qui s’installe avec un patient que l’on a parfois soi-même opéré de plusieurs affections différentes au cours de sa vie. Cette évolution est effectivement préoccupante, avec la disparition d’un savoir-faire polyvalent, qui sera remplacé par une pratique ciblée, hautement technique et certainement efficace, mais que les contraintes administratives vont orienter vers des centres spécialisés. Ce cloisonnement de la profession fait perdre l’essence même de la chirurgie générale et la richesse du métier.