L’hypnose est une technique thérapeutique éprouvée. Spécialiste en anesthésiologie à la Clinique Bois-Cerf, le Dr Marc-Etienne Corthésy l’a intégrée à sa pratique pour aider les patients à mieux gérer une douleur aiguë ou chronique. Explications.
Les indications de l’hypnose sont nombreuses: traitement des troubles phobiques et des dépendances, mais aussi anesthésie ou prise en charge de la douleur chronique.
Qu’est-ce que l’hypnose?
L’hypnose est un état de conscience modifié qui n’a absolument rien à voir avec le sommeil. Cela est d’ailleurs démontré par l’imagerie médicale fonctionnelle où l’on voit parfaitement que les zones du cerveau actives dans l’un ou l’autre de ces états ne sont pas les mêmes. On parle également de «transe hypnotique», qui peut être plus ou moins profonde. Pour faire simple, l’hypnose consiste à diminuer la proportion de conscience critique dans l’activité de notre cerveau. C’est d’ailleurs une aptitude naturelle que chacun d’entre nous expérimente sans le savoir plusieurs fois par jour, à travers ses rêveries ou ses moments d’ennui. L’hypnose thérapeutique induite est avant tout une technique de communication verbale, para-verbale et non verbale basée sur l’induction d’un état de conscience modifié et sur l’utilisation de suggestions indirectes, d’évocations et de métaphores pour faciliter certains mécanismes physiologiques et psychologiques inconscients.
Intérêt de l’hypnose dans la gestion de la douleur
Dans ce domaine, on parle d’hypnoanalgésie. Le thérapeute guide le patient afin qu’il trouve en lui-même des ressources pour modifier son rapport à la douleur. En effet, l’expérience désagréable de la douleur est complexe et largement influencée par les représentations du patient. Schématiquement, la douleur a un passé (le souvenir désagréable), un présent (le ressenti) et un futur (l’anxiété). L’hypnose peut agir sur ces trois aspects. Elle permet notamment de modifier l’impact d’un souvenir. De même, la déconstruction par l’hypnose de la peur d’avoir mal conduit à désamorcer les craintes du patient. Son effet sur la sensation douloureuse est plus complexe, puisque celle-ci peut être modifiée de deux façons. Dans le premier cas, la douleur existe mais elle n’est plus perçue comme désagréable par le patient. Dans le second cas, qui nécessite une transe hypnotique profonde, on active certaines voies neurologiques qui empêchent la douleur d’être transmise au cerveau.
Techniques d’induction
Il existe plusieurs façons de faire entrer le patient en transe hypnotique et lui permettre de se détacher de son cadre de référence habituel. La focalisation est la plus courante et consiste à amener le patient à se concentrer sur un détail précis comme sa respiration, ou encore à regarder fixement un point sur un mur. Si le langage hypnotique du thérapeute guide le patient, ce dernier fait en réalité lui-même le travail qui peut l’amener à ce que l’on nomme un état de «dissociation», par exemple d’une partie de son corps. La focalisation permet également de détourner la conscience du patient de la sensation douloureuse, même sans transe formelle, dans le contexte de l’hypnose dite conversationnelle, laquelle est notamment utilisée pour relaxer et rassurer avant une intervention ou pendant un geste médical invasif. Informelle, elle peut aussi s’inviter dans tout entretien avec un patient. Pour ce faire, le thérapeute invite par exemple le patient à parler de choses positives qui l’intéressent. Dans le cadre de la prise en charge de la douleur chronique, le patient peut aussi être amené à pratiquer l’autohypnose. Le thérapeute lui enseigne alors des techniques afin qu’il puisse se mettre lui-même dans un état de conscience modifié dans lequel sa perception douloureuse est diminuée.
Craintes, échecs et contre-indications
L’hypnose fascine autant qu’elle fait peur. Toutefois, la pratique médicale de l’hypnose est bien encadrée et repose avant tout sur la relation de confiance entre le médecin et le patient. L’hypnose formelle nécessite en outre l’accord total et préalable du patient. Même dans ce cas, ce dernier conserve toujours le contrôle de la situation dans la mesure où sa conscience est «en mode veilleuse». Impossible donc de lui faire des suggestions contraires à ses valeurs. Si personne n’est par nature incapable de se faire hypnotiser, le patient doit toutefois en avoir envie et être motivé, et le thérapeute doit savoir faire preuve de souplesse. Par ailleurs, il n’existe pas de réelles contre-indications, mais il est préférable que le médecin ne sorte pas des indications qui relèvent de sa spécialité médicale et qu’il utilise l’hypnose comme un outil supplémentaire dans la prise en charge bienveillante de son patient.