Image: Les migraines avec aura (source: maison d’éditin Karger Verlag, Migräne & Kopfschmerzen – Migraine & céphalées; Illustration: Janine Heers)
Les céphalées (maux de tête) et les migraines sont un mal très répandu. Les personnes touchées sont souvent fortement lésées au quotidien. Leur qualité de vie en souffre, de même que l’exercice de leur profession et leur entourage. Les personnes concernées se demandent souvent si elles peuvent obtenir l’aide d’un médecin et, le cas échéant, où. Certains patients finissent par se résigner tôt ou tard et par accepter leurs maux de tête comme une partie d’eux-mêmes.
Avec son Centre de la migraine Hirslanden Zurich, le Dr Reto Agosti s’est fixé pour objectif d’identifier l’origine des maux de tête de manière compétente et de les traiter individuellement. Dans son nouvel ouvrage « Migräne & Kopfschmerzen » (Migraine & céphalées), qui s’adresse aux médecins de famille, aux spécialistes, aux thérapeutes et aux personnes concernées, il analyse toutes les facettes de la question. Dans l’interview suivante, il nous fournit un bref aperçu sur les différents types de céphalées et sur les possibilités dont disposent les patients et les médecins.
Combien de types de céphalées existe-t-il?
Dr Reto Agosti: Il existe deux types de céphalées: les céphalées primaires et les céphalées secondaires. Les céphalées primaires sont une maladie à part entière et n’ont pas d’origine clairement identifiée. La migraine, les céphalées de tension et les céphalées en grappes sont des céphalées primaires. A côté de cela, il existe environ 200 types de céphalées secondaires, qui apparaissent après une autre maladie, comme un traumatisme crânien, une tumeur au cerveau, une hémorragie cérébrale, la consommation d’alcool, etc.
Comment puis-je reconnaître, en tant que patient, la différence entre des maux de tête « normaux » et une migraine?
Dr Reto Agosti: Le patient ressent la migraine comme une attaque accompagnée de toute une série de symptômes: violents maux de tête s’accentuant en cas d’activité physique et accompagnés d’hypersensibilité à la lumière et au bruit, et parfois aussi aux odeurs. La plupart des patients souffrent de nausées, certains même de vomissements.
Environ 20 % des migraines sont accompagnées d’une aura, c’est-à-dire de troubles de la sensation et de la vue. Les patients voient par exemple des étoiles, des lignes en zigzag, des taches aveugles, etc. En présence de tels symptômes, il n’y a pas de doute: il s’agit bien d’une migraine.
Par contre, lorsque les maux de tête apparaissent seuls, il s’agit souvent de céphalées de tension.
Et comment dois-je réagir en tant que patient face à la douleur? Quand puis-je prendre des médicaments en vente libre, quand dois-je consulter un médecin?
Dr Reto Agosti: Lorsque de violents maux de tête apparaissent subitement, il est impératif de consulter car il peut s’agir de quelque chose de grave, comme d’une tumeur ou d’une hémorragie cérébrale. En cas d’hémorragie cérébrale, par exemple, un traitement à l’aspirine serait fatal car l’aspirine a des propriétés anticoagulantes.
Mais lorsqu’on souffre de temps en temps de maux de tête, s’il arrive que ceux-ci soient plus forts, on peut prendre des antidouleurs comme du Paracétamol (500 à 1000 mg) ou de l’Ibuprofène (200 à 400 mg) sans consulter. Mais si ce type de douleur s’aggrave subitement ou devient plus fréquent, il est important de consulter un médecin. De même, il faut absolument consulter si de nouveaux symptômes apparaissent comme des troubles neurologiques, des vertiges, de la fièvre, une hypertension, etc.
Et comment le médecin peut-il m’aider?
Dr Reto Agosti: Il vous posera un certain nombre de questions puis décidera s’il s’agit de céphalées primaires ou secondaires. Les céphalées primaires comme les migraines, les céphalées de tension ou les céphalées en grappes n’ont pas d’autre origine plus grave et doivent être traitées de manière ciblée. Selon les patients, le médecin décidera de traiter en premier lieu la douleur, les vomissements, la sensibilité au mouvement ou l’aura. Si le médecin soupçonne des céphalées secondaires, il décidera des examens complémentaires à effectuer, par exemple un scanner, une IRM (imagerie par résonance magnétique), une ponction lombaire (examen du liquide céphalorachidien) etc. Si les douleurs sont trop violentes, le médecin peut aussi envoyer le patient au service des urgences.
Quand consulter mon médecin de famille et quand consulter quel spécialiste?
Dr Reto Agosti: Pour toutes les nouvelles céphalées pas trop violentes, le premier interlocuteur est le médecin de famille. Certains médecins de famille sont très compétents en matière de céphalées, tandis que pour d’autres les céphalées ne font pas partie de leurs compétences clés. Dans ce cas, consulter un spécialiste, c’est-à-dire un neurologue, peut s’avérer judicieux. Il revient également au patient de décider par qui il se sent bien pris en charge pour quelles douleurs.
Votre traitement consiste-t-il en premier lieu à traiter les céphalées ou bien leur origine? Comment procédez-vous?
Dr Reto Agosti: Dans un premier temps, nous procédons par élimination en questionnant le patient en détail et en effectuant un examen neurologique. Je prescris généralement aussi une MRI, car il existe des causes rares, mais très dangereuses comme les thromboses des veines cérébrales, des sinusites chroniques, des problèmes d’hypophyse, etc. Il existe généralement un traitement lorsque l’origine est clairement identifiée. On peut par exemple traiter une thrombose avec des anticoagulants. J’envoie les patients qui souffrent de problèmes de sinus consulter un oto-rhino-laryngologiste qui peut les soulager.
Et comment traitez-vous les céphalées primaires, qui n’ont pas de cause en soi?
Dr Reto Agosti: Il va de soi que tout a une cause, y compris les céphalées primaires. Il s’agit ici d’une question philosophique. Seulement, la médecine ne sait pas exactement d’où viennent ces douleurs. Les douleurs les plus répandues dans la population sont les céphalées de tension, c’est-à-dire les maux de tête légers à moyens, sur lesquels la médecine sait très peu de choses. En ce qui concerne la migraine, qui touche 20 % de la population, nous savons que les méninges irritées et le tronc cérébral jouent un rôle. Nous savons déjà beaucoup de choses sur cette interaction complexe. Quant à savoir d’où provient une crise migraineuse, cela reste très difficile à déterminer car la cause est généralement cachée et multifactorielle: stress, manque de sommeil, alcool, conditions météorologiques… chacun de ces facteurs peut être sans conséquence, mais leur combinaison peut provoquer une migraine. Malheureusement, il est presque impossible de démêler tous ces facteurs.
Dans un tel cas, je ne peux généralement rien faire contre les causes de la migraine. Je dois faire preuve de pragmatisme Le traitement repose sur trois piliers: 1. Traitement de la crise, par exemple avec des médicaments sur mesure et inoffensifs contre la migraine appelés triptans. 2. Prévention médicamenteuse, en général à partir de cinq à dix jours de céphalées par mois. 3. Prévention complémentaire: thérapie craniosacrale, physiothérapie, exercices de relaxation ou training autogène.
Que pensez-vous des approches de traitement consistant à traiter le patient durablement avec des antidouleurs?
Dr Reto Agosti: Si un patient prend chaque jour des antidouleurs et ne souffre pas, il a au moins atteint quelque chose. Mais s’il prend tous les jours des antidouleurs et continue de souffrir, c’est contre-productif et il faut changer de traitement. Les patients pouvant rarement changer eux-mêmes de traitement, nous les hospitalisons généralement pour arrêter tous les médicaments sous contrôle médical avant de trouver une nouvelle solution.
Un grand merci pour cette interview passionnante.